Concept de l’Accompagnement

Préambule

Le présent concept de l’accompagnement est décrit en adoptant le point de vue de l’éducateur-trice ou du-de la maître-sse socioprofessionnel-elle, dans l’exercice de son rôle d’accompagnateur-trice.

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Du but de l’accompagnement

Le but de l’accompagnement est d’aboutir à la délivrance d’une aide supplémentaire pragmatique et efficiente à l’égard de la personne aidée. « Je bâtis pour les hommes, je bâtis avec les hommes et, ce qui se voit moins, en faisant cela, je bâtis des hommes. »
(Émile-le-Normand, Compagnon Passant Serrurier du Devoir)
Concept de l’accompagnement


Dès lors, l’accompagnement est une pratique qui consiste à aider pour une durée limitée une personne qui le demande ou qui accepte cette aide, et qui se trouve en situation difficile.Il s’agit d’analyser avec elle cette situation et de chercher, toujours avec elle, des voies qui lui ouvrent un avenir dont elle peut alors décider.

Du concept

Notre concept de « L’Art du Lien, de la Relation, de l’Interaction » constitue le moyen qui doit permettre à la personne accompagnée d’atteindre les objectifs qu’avec son accompagnateur-trice, ils se sont fixés ensemble.
Des référentiels

A l’image de certains vins, notre concept est un « Assemblage » qui a été élaboré sur la base du concept de « Reliance » inventé par Marcel Bolle de Bal, professeur en psychosociologie et sociologie, à savoir « l’acte de relier et de se relier et son résultat ».
Il s’insère dans la vision de la complexité selon Edgar Morin, sociologue et philosophe, car nous adhérons à l’approche selon laquelle « sujet et objet sont indissociables », de même que « le tout est dans la partie qui est dans le tout ». Ceci à l’image du cerveau qui peut être étudié comme organe biologique, et de l’esprit comme fonction ou réalité psychologique ; sans oublier toutefois que l’un n’existe pas sans l’autre ; plus même, que l’un est l’autre en même temps.

Nous avons aussi la conviction que, pour citer Alain Bouvier, spécialiste en management et en gouvernance, « l’essentiel se joue dans les liens entre les parties » ; cette approche est également en concordance avec le référentiel d’organisation de type ad-hocratique, selon Henry Mintzberg, que nous avons adopté et qui laisse volontairement de nombreux espaces à l’expression de la personnalité ainsi qu’à l’expertise-métier des divers intervenants.
Selon notre expérience clinique que l’autonomie n’est jamais un principe d’autodétermination pure mais bien une dynamique de cogestion d’une situation qui se joue entre deux voire plusieurs êtres, il nous apparaît que le principe de « Conomie » développé par Alain de Broca, neuropédiatre, est particulièrement adapté à notre concept : « la conomie est la loi qui se vit à plusieurs, en échanges réciproques, où chacun peut apporter sa participation, son point de vue, son expérience, sa richesse ».

L’idée « d’Art de la relation » a été reprise à Fabienne Brugère, philosophe, laquelle s’est inspirée des recherches faites par Michel Autès, chercheur en sociologie, sur ce sujet. A l’image de la médecine le mot « Art » permet également de nous engager à une obligation de mise en œuvre de moyens dans le cadre de la réhabilitation psychiatrique, et non pas dans la garantie d’un résultat en termes de guérison.
Il y a encore lieu de préciser que nous nous sommes fortement inspirés du contenu de trois ouvrages, à savoir : « L’accompagnement à tous les âges de la vie » (ADAJ, ARFOP, CNFETP, Chemin Ignatien, Chronique sociale Formation-recherche ; Éditions de la Chronique Sociale), ainsi que « Penser et pratiquer l’accompagnement – Accompagnement et modernité – De la naissance à la fin de vie » (Gérard Wiel et Georges Levesque ; Éditions de la Chronique Sociale), de même que « Communication et épanouissement personnel » (Lucien Auger (philosophe, théologien, pédagogue et docteur en psychologie ; Les Éditions de l’Homme). De nombreux extraits en ont été tirés et insérés dans les divers documents qui se rapportent au présent concept.

D’autres auteurs ont également contribué à alimenter la réflexion : Robert R. Carkuff, François Jullien, Robert Neuburger, Yves St-Arnaud, François de Singly, Carl Rogers, Chris Argyris.

Enfin, toutes ces références sont en concordance et adéquation avec les Valeurs de la Fondation.

De l’approche Émotivo-rationnelle en tant que modèle théorique

« Ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses, mais les jugements qu’ils portent sur ces choses ».

Ainsi parlait Épictète, philosophe grec (50 ap. JC – 125 ou 130 ap JC), lequel s’est entre autres appliqué à montrer la nécessité de « ne pas se laisser entraîner et emporter par les représentations ».

Plus proche de nous, Albert Ellis (1913-2007), psychologue américain considéré comme l’un des pères des Thérapies Cognitives et Comportementales (TCC), a été largement influencé par les Pensées de ce philosophe stoïcien qu’a été Épictète.
En 1955, en rupture avec la psychanalyse, Ellis conçoit la Rational Emotive Therapy. Il découvre que les pensées sont à la source des émotions et que les pensées irréalistes sont la cause principale des émotions et des comportements dysfonctionnels. À travers une analyse précise, les patients peuvent identifier leurs pensées et croyances irréalistes et ensuite les remplacer par des conceptions réalistes. Cet assainissement des cognitions entraîne directement la disparition des émotions et des comportements dysfonctionnels et leur remplacement par des émotions et des comportements adaptés et fonctionnels.

Dans la francophonie et en particulier au Québec, on doit à Lucien Auger (1933-2001) d’avoir fait connaitre la Thérapie Émotivo-rationnelle à travers de nombreuses publications. Il fut aussi un formateur à la relation d’aide très actif.

Lucien Auger, inspiré également de Carl Rogers et de Robert R. Carkhuff, définit la relation d’aide comme une relation dont l’objectif est de favoriser chez l’aidé l’épanouissement de ses pleines potentialités. La relation d’aide est constituée d’attitudes et de techniques. L’attitude se définit comme une « posture », comme une prédisposition à penser, sentir, et agir d’une certaine manière, notamment par rapport à un être (Kerlinger). Les techniques, quant à elles, désignent des comportements, externes, qui reflètent les attitudes, internes.
Les fondements de la relation d’aide se situent donc essentiellement au niveau des attitudes de l’aidant et non au niveau des techniques qu’il aura pu acquérir. En ce sens, la relation d’aide n’est pas tant un ensemble de techniques ni une fonction, un travail ou une profession, mais plutôt une manière de vivre.

Les personnes qui se sont rétablies nous disent justement que le facteur le plus important dans leur rétablissement ne résidait pas dans des techniques mais bien dans la présence et les attitudes bienveillantes et aidantes d’une autre personne, qui était « juste là », à leur côté.

Dans les pas de Lucien Auger, Pierre Bovo, thérapeute et formateur, décrit l’approche Émotivo-rationnelle comme une approche « contemporaine, basée sur une démarche scientifique et qui allie un caractère humain et très respectueux à des attitudes réalistes, pragmatiques et constructives. »

De l’action de l’accompagnement

L’action de l’accompagnement s’inscrit dans une perspective de pratiques de socialisation et d’humanisation ; elle s’interdit toute forme d’inhumanisation.

La socialisation pose la priorité de la contrainte sur la liberté. Le respect de la loi, le risque de l’exclusion.

L’humanisation invite à suivre une règle qui s’apparente à la règle d’un jeu : elle est définie, acceptée puis respectée par les joueurs eux-mêmes. La règle du jeu donne un cadre dans lequel se dessinent des possibles entre lesquels le joueur peut alors choisir ; en sachant néanmoins que tous les coups ne sont pas permis.
L’humanisation pose la priorité de la liberté sur la contrainte, du respect des règles du jeu, d’une dynamique d’inclusion. Elle présuppose la socialisation comme condition nécessaire mais non suffisante.

Dans le cadre de cette action de l’accompagnement, la relation d’aide se doit d’être clairement distinguée du contact social.

Elle ne doit en aucun cas constituer une sorte de halte irréelle, distincte de la vie quotidienne, où la personne aidée se repose, pense à son passé et fait des plans pour le futur, ou échange simplement sur les problèmes de sa vie dans l’attente de solutions et de leur organisation ; le tout dans une atmosphère de salon, un contact poli et distingué.

Afin de justifier pleinement l’usage du qualificatif de « aide », il faut résolument que la personne accompagnée ressorte de la démarche en ayant accru sa capacité réelle de vivre d’une manière qui lui permette de s’épanouir davantage dans la ligne de ses potentialités, de vivre davantage libre, de vivre « une vie riche et pleine ».

C’est dire que l’élément essentiellement aidant de la relation sera bien plus la personnalité de l’accompagnateur-trice que les techniques qu’il aura pu acquérir.

Les sentiments, au sens de la vie affective, ne sauraient s’immiscer dans une relation d’aide délivrée à titre professionnel, tout comme le maternage, la fusion ou la tutelle.

Rôle, Mission et Posture de l’éducateur
ou du maître socioprofessionnel

L’éducateur, respectivement le maître socioprofessionnel, est un professionnel de la relation.
Il aide la Personne qu’il accompagne à adopter un comportement personnel et social approprié en toute circonstance.

Le Rôle de l’éducateur ou du maître socioprofessionnel est d’être un-e accompagnateur-trice qui aide une personne se trouvant en situation difficile, et qui demande ou qui accepte cette aide.
Il analyse avec elle cette situation et cherche, toujours avec elle, des voies qui lui ouvrent un avenir dont elle peut alors décider.
Par ses attitudes et par son comportement, l’éducateur ou le maître socioprofessionnel vise à améliorer le fonctionnement personnel et social au quotidien, en favorisant les habiletés sociales et le soutien, ou en modifiant l’environnement.
Une attitude peut se définir comme une prédisposition à penser, sentir, percevoir et agir d’une manière adéquate par rapport à la personne accompagnée. Les compétences relèvent quant à elles de l’expertise-métier au sens large.

La Mission confiée à l’éducateur ou au maître socioprofessionnel consiste en une aide supplémentaire pragmatique et efficiente qui favorise l’intégration et l’adaptation de la personne aidée dans l’environnement de son choix (tâches de socialisation), ainsi que l’établissement de relations interpersonnelles individuelles ou au sein de groupes (tâches d’humanisation).

L’éducateur ou le maître socioprofessionnel, en sa qualité d’expert-métier, pratique « l’Art du Lien, de la Relation, de l’Interaction », dans les limites données par la vulnérabilité de la personne ainsi que dans celles de ses valeurs personnelles et de sa déontologie professionnelle.

Au sens de la réhabilitation psychiatrique, l’intervention de l’éducateur ou du maître socioprofessionnel se veut aussi réduite que possible et se focalisant sur le niveau strictement nécessaire pour que la personne réussisse et soit personnellement satisfaite dans le rôle particulier et l’environnement de son choix. La durée de la relation d’aide est à bien distinguer du temps durant lequel dure la relation. L’aide supplémentaire se doit d’être pragmatique et efficiente.

Vis-à-vis de la personne accompagnée, la Posture de l’accompagnateur-trice se veut « à côté de » ; dans l’esprit d’un cheminement commun entre un-e accompagnateur-trice, un compagnon au sens propre du terme, et une personne aidée, accompagnée. Dans ce tiers-espace où se joue cet agir commun à deux visages, chacun est placé dans une situation de dépendance réciproque à l’image du recto et du verso d’une médaille : accompagner – être accompagné ; et c’est précisément là que tout « L’Art du Lien, de la Relation, de l’Interaction », de la part de l’éducateur ou du maître socioprofessionnel, doit pouvoir se déployer. La personne accompagnée reste néanmoins l’acteur principal de toute l’action visant son changement personnel et la solution de ses problèmes.

Les Actes pratiques de la relation d’aide qui découlent de cette posture sont illustrés dans la planche de dessins liée au Concept de l’accompagnement.